February 23, 2011

Corps Étranger, Sarah Garzoni, Galerie Art Mûr Part Two: Revenge of the Taxidermist By Greg Stone

Art Mûr
5826 rue St-Hubert
+1 514 933 0711
January 8th to February 26th

As sure as the tides will change, Sarah Garzoni, artist and taxidermist of the exhibition Corps Étranger, now showing at Galerie Art Mûr, responded to my email an hour after my review of her show was published. So, Part 2: Revenge of the Taxidermist. And since I did all of the talking in Part 1, I'm going to let Ms. Garzoni take the reins on this one: We conducted it in French but I translated it since all of what has been written here has been in English. (However since I am not a professional translator, I have left the French version here for you to read as well – if anyone has a better translation, please let me know.)

Greg Stone: Why did you become interested in taxidermy as an art form?
Comment, pourquoi t'es-tu intéressée à l'art de la taxidermie?

Sarah Garzoni: In general, my work questions the relationships that we have with animals. I think there are a few fields where humans behave paradoxically. I always ask, by what means, throughout history and different cultures, can animals become a god, or even how a simple piece of raw material becomes a functional object, like a leather jacket? By what psychological processes, what criteria, decides whether an animal will become a companion, or will end up on our dinner plates? Since the beginning of time, we have used animal skins, animal fat, flesh, horns, scales and secretions... to produce fragrances (musk, amber)... jewelery, dyes, food... deconstructed, transformed, aestheticized the idea of the living animal out of our minds so that the idea of the animal itself becomes a very abstract concept because of our conventions. Cigarette papers, photographic film, candies made from gelatin... applications and animal derivatives are ubiquitous in our daily lives, and appear well anchored in our habits. Using taxidermy to give these animals their original forms, in effect, industrializing the animal, turns that concept [of the abstract animal] on itself. Taxidermy is an in-between, a transitional equilibrium point where the animal, motionless, has both cultural codes (related to the reification of the animal), and a return to its status of being alive.

For example, in Masquerade (2005), the fur coat becomes the animal itself, since all the elements that allow for identification (head, ears ...) were kept. It's the same for Boudoir (2008): The failure to eliminate certain parts of the animal causes a feeling of discomfort, which emerges from the ambivalence. This principle is based on a Kafkaesque metamorphosis, similar to a hallucination in which objects become incarnate and come to life.

D'une manière générale, mon travail interroge les rapports que l'on entretient avec l'animal. Je pense que rares sont les domaines où le comportement de l'homme parait aussi paradoxal : Je me demande toujours quels sont les mécanismes qui, à travers l'histoire ou les différentes cultures, vont mener l'animal au rang d'un dieu, ou bien d'une simple matière première qui deviendra un objet fonctionnel comme une veste de cuir? Par quel processus psychique, sur quels critères, choisie t-on de faire qu'un animal deviendra un compagnon ou finira dans notre assiette? De tous temps, on a utilisé sa peau, ses graisses, sa chair, ses cornes, ses écailles ses sécrétions... pour produire des parfums (musc, ambre...), des bijoux, des colorants, des aliments… Ainsi, déstructuré, transformé, esthetisé, la trace du vivant est très loin de nos esprits, et l'idée de l'animal devient alors une notion bien abstraite au vue de nos habitudes. Papiers de cigarettes, pellicules photos, bonbons de gélatine... les applications et dérivés d'origines animales inscrits en filigranes dans notre quotidien sont omniprésents, et semblent bien ancrés dans nos moeurs. En redonnant leurs formes originelles à ces animaux grâce à la taxidermie, le processus qui va de l'animal vers l'objet dans l'industrialisation, se retourne ici sur lui-même. Il s'agit d'un entre-deux, d'un point d'équilibre transitoire où l'animal, figé, présente à la fois des codes culturels (liés à sa réification), et un retour à son statut d'être vivant.

Par exemple, dans Mascarade (2005), le manteau de fourrure redevient l'animal lui même, puisque tous les éléments qui permet de l'identifier (tête, oreilles…) ont été conservés. Il en va de même pour Boudoir (2008) : Le fait de ne pas éliminer certaines parties de l'animal, provoque un sentiment de gêne, une inquiétante étrangeté, qui se dégage de ces ambivalences. Ce principe est basé sur une métamorphose Kafkaïenne, de l'ordre de l'hallucination, dans lequel les objets s'incarneraient, reprendraient vie.


GS: In general, how did you obtain the animals used in Corps Étranger?
En general, comment as-tu obtenu les animaux que tu as utilise pour Corps étranger?

SG: For the most part, the animals for Corps Étranger were carefully selected from farms, just as we choose bacon. It was part of the process. It would have been ambiguous for me to use only the leftovers from the food industry. I wanted to go through with my reasoning, remain consistent. My goal is obviously not to offend, or to look like some moralist, but simply to raise questions.

Pour la plupart, les animaux pour Corps Etranger ont été consciencieusement choisis dans des élevages, exactement comme l'on choisirai du bacon, cela faisait partie de la démarche. Il aurait été ambiguë de ma part de n'utiliser que des restes de l'industrie alimentaire. Je voulais aller jusqu'au bout de mon raisonnement, rester cohérente. Mon but n'est évidement pas de choquer, ou de porter un regard moraliste sur certaines pratiques mais simplement de susciter des questionnements.

GS: Have you received any messages or comments from animal rights groups?
As-tu reçu des messages ou commentaires des groupes des droits des animaux?

SG: No, not yet. However, I have had 'skin deep' reactions. Notably during a school tour at one of my shows: a father was very shocked that we exposed this kind of thing to children. Although I find some TV programs or images you see on the internet much more violent, I think his reaction was very interesting: No one is shocked at the sight of a leather armchair, but if it still has the head of the animal, it is scandalous, indecent... On the other hand, since taxidermy is a treated skin and "tanned," and covers a certain volume, mimicking an animal form (although now often made of polyurethane), then what about wearing a leather or fur coat? Couldn't we then be considered a kind of "walking piece of taxidermy?"

But more importantly, what about the numbers killed industrially? Which for the most part is hidden from society. They kill nearly a billion animals annually in France alone.2 Should we also hide McDonald's Restaurants from children out of fear that they might figure out the changes that their hamburger went through to become a hamburger? But again, animal sacrifice seems more legitimate, more "natural." Yet, as Jacques Derrida reminds us: "the consumption of meat has never been a biological necessity. We do not eat meat simply because you need protein - protein can be found elsewhere. It is the consumption of the animal, as in the death penalty elsewhere, that is a sacrificial structure, and therefore there is something "cultural" associated with archaic structures that persist which we must analyze.3

Which is more important, creating functional objects or just creating?

It is precisely this kind of problem that interests me. Just like Jean-Baptiste Jeangène Vilmer wrote, for whom 'art reveals, reveals a suffering already existing, it shows what we prefer forcing, in our everyday moral schizophrenia'.1 For him traditional taxidermy is a "trauma," a subversive taxidermy, through its staging confronts the viewer with a reality which has been carefully hidden, it plays the role of revealer.

Non, jamais pour l'instant. En revanche j'ai eu des réactions "très épidermiques". Notamment à l'occasion d'une visite guidée d'une école lors d'une de mes expositions : Un père à été très choqué que l'on fasse visiter ce genre d'expositions à des enfants. Bien que je trouve beaucoup plus violents certains programmes TV, ou images véhiculées par le net, je pense que cette réaction est très intéressante : Si nul n'est choqué à la vue d'un fauteuil de cuir, en revanche, si celui-ci présente encore la tête de l'animal, cela est scandaleux, indécent… D'autre part, en partant du postulat qu'une taxidermie est une peau traitée et "tannée", qui recouvre un certain volume, imitant une forme animale (bien souvent aujourd'hui en mousse polyuréthane), que dire alors du fait de porter un manteau de cuir ou de fourrure : Ne serions nous donc, finalement, pas si loin de sortes de "taxidermies ambulantes"?

Mais surtout, que penser de la cadence industrielle, qui loin de nos yeux, abat près d'un milliard d'animaux par an et ce rien qu'en France?2 Faudrait-il aussi cacher aux enfants tous les Mac Donald's, de peur qu'ils ne devinent tout le chemin qu'il a fallut à leur hamburger pour qu'il ne devienne hamburger… Mais là encore, le sacrifice animal parait plus légitime, plus "naturel". Pourtant, comme nous le rappelle Jacques Derrida : "la consommation de la viande n'a jamais été une nécessité biologique. On ne mange pas de la viande simplement parce qu'on a besoin de protéines — et les protéines peuvent être trouvées ailleurs. Il y a dans la consommation de l'animal, comme dans la peine de mort d'ailleurs, une structure sacrificielle, et donc un phénomène « culturel » lié à des structures archaïques qui persistent et qu'il faut analyser.3

L'art du palais serait il plus important que l'art de créer?

C'est précisément ce genre de problématique qui m'intéresse. Cela rejoint le propos de Jean- Baptiste Jeangène Vilmer pour qui, " l'art dévoile, révèle une souffrance déjà existante, il montre ce que l'on préfère refouler, dans notre schizophrénie morale quotidienne".1 Pour lui, alors que la taxidermie traditionnelle efface le "trauma", la "taxidermie sabotée " (botched texidermy), à travers la mise en scène, confronte le spectateur à la réalité, à ce qui a été jusqu'ici soigneusement caché. Il joue donc le rôle d'un révélateur.


GS: Will you continue to use taxidermy as an artistic medium?
Est-ce que tu vas continuer à utiliser la taxidermie comme un médium artistique?

SG: Not necessarily, I would not want to fall into a routine. Taxidermy has proved to be the form that has best served my purpose, but I think there are many mediums that could allow me to fulfil my artistic process. I think for example as tools, scientific devices are not so far from my thoughts.

Pas nécessairement, je ne voudrai pas tomber dans une sorte de recette. Ici la taxidermie s'est avérée être la forme qui servait au mieux mon propos, mais je pense qu'il y a beaucoup de médiums qui pourraient me permettre de nourrir ma démarche. Je pense par exemple à des outils, des dispositifs scientifiques qui finalement ne sont pas si loin de mes préoccupations.

Footnotes:
1 Jean-Baptiste Jeangène Vilmer : Animaux dans l'art contemporain : La question éthique Jeu. Revue de théâtre, Mars 2009
2 Florence Burgat, l'Animal dans les pratiques de consommation
3 Jacques Derrida, l'Animal que donc je suis